Paul Amargier

Aspects de Valery Larbaud

 

  Ouverture
accueil

Aspects  de Valery Larbaud:

Chap. 1:  Enfance adolescence

Chap 2: vingtième siècle

Chap 3: L'amateur

Chap 4: Un roman

Annexe

           

"J'ai beau songer longuement à Valery Larbaud, il ne me vient en tête que des noms de mérites et de vertus : la noblesse, la générosité, le recueillement, le dévouement aux lettres, l'inflexible bon goût. Et, si je songe à son œuvre, quelle exquise distribution des ombres et des reflets, des tons clairs et des tons assourdis, quelle science de la limpidité et du dépouillement."

C'est en ces termes que Jean Paulhan rendait hommage à l'auteur de Fermina Marquez, au lendemain de sa disparition, survenue le 2 février 1957.

Il est vrai, hélas, que Valery Larbaud, à cette date, était, depuis vingt-deux ans déjà, entré dans un état de définitif silence, par suite d'une attaque inexorable qui l'avait frappé, en août 1935, d'hémiplégie, à l'âge de 54 ans, accompagnée d'aphasie ; au point qu'il en était arrivé à ne plus pouvoir que balbutier une seule phrase, toujours la même : "Bonsoir les choses d'ici-bas"…

Face à un destin aussi tragique, on comprend la noble réaction du confrère de Larbaud en poésie, Saint-John Perse, quand il écrit :

« Larbaud, ou l'honneur littéraire…

Il fut homme de langage, respectueux de l'écrit et de tout ce qu'il consacre de la personne humaine, de l'aventure humaine elle-même. Il a cru au bienfait, à la puissance occulte du langage, et le langage fut pour lui d'éminente souveraineté, étant pour lui l'instance la plus haute et la plus haute collusion, l'intercession suprême et la suprême médiation. Il a tenu sa foi jurée dans la parole et dans l'écrit, engagé là tout son honneur et tout son bien. A la parole instigatrice, initiatrice et créatrice, à la parole révélatrice autant qu'éducatrice, il demandait assistance et libération.

Et celui-là, de son vivant, fut dessaisi de la parole : relevé du serment et comme "désobligé", au sens propre du mot… Privé du pouvoir de l'écrit, celui qui s'honorait le plus de gratitude envers l'écrit ! privé du mot, de la syntaxe et de l'articulation, celui pour qui l'enchaînement d'écrire fut aussi bien enchaînement de vivre et de connaître !

Tragique d'une telle destinée : l'homme de langage atteint au siège même du langage… Foudroyé, frappé là d'interdit, celui qui tint à sainteté l'office même du langage !...

L'antiquité mythique se complaisait au symbolisme de tels drames. Notre âge moderne se soucierait-il encore d'interpréter toute l'allusive, toute l'exemplaire cruauté d'une telle fatalité ?

Larbaud, mourant, s'il avait pu se faire encore entendre, ce n'est pas à quelque Prince ni Puissant de ce monde, protecteur de belles-lettres, mais à Sa Sainteté même le Langage, son honorable Garant de jadis, qu'il eût voulu encore rendre honneur - comme Cervantes dictant pour le Comte de Lemos la dédicace de son Persiles y Sigismunda :

Le pied déjà à l'étrier,

Voyageur aux gorges de la Mort,

Vers votre Haute Seigneurie j'élève mon hommage…

Larbaud s'éloigne dans le siècle… Son œuvre a commencé de témoigner pour lui.

Ah! qu'il fut homme d'honneur, envers sa langue, envers son œuvre, et toute la lignée française où il prenait, si simplement, son rang! »

(Hommage à Valery LARBAUD,

La Nouvelle N.R.F., n°57, Sept.1957, p.400).

Il était opportun de méditer cette page de l'un des pairs, parmi les plus éminents, de Valery Larbaud, au moment d'aborder l'étude de son œuvre et de sa vie.

C'est lui-même qui, dans "ce vice impuni…", p. 257, plaide en faveur de l'attention particulière à apporter aux données biographiques, telles qu'études, lectures, voyages, qui doivent permettre au critique de mieux comprendre comment l'œuvre put s'élaborer. "La biographie, conclue-t-il, doit être au service de l'histoire littéraire", nous en sommes bien d'accord.

Or, dans ce domaine des lointaines préparations, les années les importantes sont, trop souvent, les moins bien connues. Raison de plus pour ne point craindre de s'y attarder, car - toujours selon Larbaud - l'adolescent est le père de l'homme. Et, dans son cas, plus que dans tout autre.

 

 

 

 

 

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