Tableau 9
Simon Leys (1935-2014)
Il y a deux ans déjà, au cœur
de l'été , à Sydney, s'éteignait dans le
ciel de notre humanisme d'aujourd'hui, une étoile de
première grandeur, Leys était son nom d'écrivain.
Pierre
Ryckmans, d'origine belge, fils d'imprimeur, à l'âge de
vingt ans, devait découvrir la civilisation de l'antique Chine
et tomber sous les charmes du Céleste Empire. Jusqu'à son
dernier souffle il allait en étudier l'histoire, enseignant dans
le cadre universitaire à Canberra (Australie), se manifestant
comme l'un des meilleurs sinologues de notre temps.
Le
choix de son pseudonyme date de la publication de son premier ouvrage,
rédigé à Hong-Kong, qui le fit connaître du
grand public.
Il s'agit de la fameuse étude polémique consacrée
aux problèmes posés par l'épisode de la
Révolution Cuturelle: Les habits neufs du président Mao. Attaque redoutable de la politique communiste. Il devenait nécessaire de préserver l'anonymat de l'auteur.
Lui-même a raconté comment ce fut au moment
même de l'impression du livre que, sous la pression de
l'éditeur, fut prise la décision. Simon Leys (1) fut
choisi en hommage à la mémoire de Victor Ségalen,
le grand sinologue français.
Le
public français, lui, devait découvrir Leys un
vendredi soir "d'Apostrophe", placé par Bernard Pivot face
à Marie Antoinette Macciocchi, sinologue italienne, grande prêtresse
du culte maoïste,
qui ce soir là subit une cuisante défaite de la part de
son adversaire. Quelques dégâts collatéraux furent
par la suite enregistrés dans les rangs de maoïstes
patentés de l'hexagone.
Simon Leys continua un temps sa croisade anti-Mao avec des ouvrages comme Ombres chinoises ou La forêt en feu, tandis que Pierre Ryckmans renouait avec le fil de ses travaux consacrés à la peinture chinoise.
C'est d'ailleurs ainsi qu'il se définit: "historien d'art,
amoureux de littérature, attaché de manière
décisive à la Chine par des raisons profondes et
personnelles".
On peut trouver (p.357) cette remarque dans le texte que lui consacre Pierre Boncenne dans son recueil Faites comme si je n'avais rien dit (Borges) paru au Seuil en janvier 2004.
Simon Leys y était interrogé par le journaliste en 1983
(p.351-377); il est bien sûr, indispensable d'avoir recours
à e texte de référence pour mieux comprendre tout
l'enjeu du débat.
Le dialogue noué entre les deux critiques se poursuit en
amitié de plus de trente ans et leur correspondance a
été éditée par Philippe Rey en mai 2005
sous le titre Quand vous viendrez me voir aux antipodes . Pierre Boncenne ayant publié en parallèle Le parapluie de Simon Leys, à la fois biographie, essai critique ainsi qu'évocation amicale.
En
tant que marseillais, j'aime bien cette remarque de Simon Leys dans une
lettre:" On définit toujours Daumier comme un dessinateur, un
caricaturiste; oui, bien entendu. mais c'est surtout d'abord un grand
artiste"...et Simon Leys un grand écrivain.
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NB: Dans le numéro
de ce mois-ci ( mai 2016) du Magazine Littéraire on pourra
lire le compte rendu intitulé "Les sept vies de Simon Leys"
dû à Robert Kopp, de l'ouvrage paru aux éditions
Gallimard: Simon Leys, navigateur entre deux mondes parPhilippe Paquet (672p - 25€)
(1) René Leys est le titre d'un roman de Victor Segalen, paru en 1922.