Tableau 8
Gide- Du Bos:le débat
Comme
tout le monde, en avril, je pensais partir au Portugal en
compagnie de Pessoa, or l'actualité m'invite à
revenir au débat, de 1928, entre Gide et Du Bos, relatif à la pédophilie.
Participant
tous deux aux fameuses Décades de Pontigny, Gide note dans
son journal, le 3 mars 1922: " Charles Du Bos fut le roi de la
fête; ineffablement suave et ductile et disert". Les deux hommes
étaient alors au zénith de leur amitié.
Après les années 1927 Gide fit paraître coup sur coup trois ouvrages : Si le grain ne meurt, Corydon et Les Faux monnayeurs, massif
gidien que Du Bos dans une critique sévère qualifie de
"pédérastique". D'où naît entre les deux
amis une querelle qui ne cessera de s'envenimer.
La
décade de Pontigny de 1926 sur le thème "Christianisme et
Humanisme" va fournir l'occasion aux deux hommes d'affrontements
passionnés.
Du Bos va sur cette lancée rédiger l'essai de critiqu
e intitulé Le labyrinthe à claire-voie,
ouvrage dense de 277 pages, suivi d'une longue lettre-envoi à
André Gide datée du 30 août 1928, où l'on
peut lire cette confidence de Du Bos: "Chez moi, l'approbateur
personnel relève d'une loi, qui même au sein de
l'incrédulité religieuse ( Du Bos vient de vivre sa
"conversion" en juillet 1927) n'a jamais été
ébranlée: la foi en l'existence de l'âme, d'une
part, de l'autre, dans le constant survol de cette âme par
rapport à tous les états et à toutes les
manifestations du moi".
Gide,
comme nous pouvons le penser, réagira avec violence,
n'acceptant pas les censures visant son comportement sexuel
pédophilique. Face au non possumus de Du Bos, on voit le fauve prédateur ne supportant pas qu'on lui refuse le droit de jouir de ses proies.
A dater de ce temps, il poursuivra Du Bos, qui meurt en août 1939 à l'âge de 57 ans, de sa vindicte.
Edmond
Jaloux, leur ami, après la mort de Gide survenue en
février 1951, déplorera dans un livre de souvenirs, Les amis de ma vie - publié en 2001 chez Buchet-Chastel- cette propension de Gide à ironiser sur l'homme et l'œuvre de son ancien ami, le ridiculisant.
Jaloux
explique cette propension dénigrante " parce que, note-t-il, la
critique de Du Bos , conduisait à le gêner; comme il ne
pouvait la supprimer, il ne lui restait qu'à discréditer
leur auteur, ce qu'il fît".
Dans
ce dossier littéraire on aurait tendance à oublier
la motivation de Du Bos purement
"évangélique". La source de son opposition à
Gide est, dans les Evangiles, la parole de Jésus
rapportée par Matthieu( ch.18, v.1-6, ainsi que dans Luc, 17,
1-4). Je citerai ici la version de Marc (9,42) en un seul verset
, le type même du logion,
bref et net:" Si quelqu'un doit scandaliser l'un de ces petits qui
croient , il serait mieux pour lui de se voir passer autour du cou
l'une de ces meules que tournent les ânes et d'être
jeté à la mer".
X X X