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Tableau  26


Rilke et l'Ange

Le mois dernier nous apprenions que nombreuses furent les Muses à entourer de leur faveurs le poète; il est cependant un être non moins présent dans son œuvre   et son existence que ces muses et égéries, l'Ange. 
Elles, appartenaient au monde bien réel du visible. Eux, les anges, créatures non moins réelles, mais appartenant au monde de l'invisible. Telle est la vision de Rilke vis à vis de son cosmos de l'âme.

Dès les premiers poèmes apparaît le personnage angélique, il demeurera présent tout au long des poèmes formant le recueil Poèmes à la nuit (Verdier éditeur, p.21):
"Regarde, des anges diffusent à travers l'espace leurs sentiments qui ne cessent jamais
Notre incandescence leur serait froideur
Regarde des anges rougeoient à travers l'espace."

plus loin (p.27)
"Allez-vous enfin, vous que j'ai priés de glorifier enfin mon sourire (pour voir s'il serait délicieux); dans son approche irrésistible, derrière les étoiles à l'Orient l'ange attend que je me fasse plus limpide."

La p.29 présente un long dialogue ave l'Ange, qui demeure l'être privilégié de la suite des poèmes jusqu'à l'ultime page (p.95).

De ce parcours poétique rilkéen aux confins de l'univers du visible et du cosmos de l'invisible, on peut retenir le commentaire bref que l'on trouve dans la Bible au verset 11 du  Psaume 138:
"Et nox illuminatio mea!"

Pour mieux nous éclairer, il n'est que de recourir aRilkeu commentaire que Rilke lui-même fournit, précieuse clé, à son amie Merline (la mère des peintres Balthus et de Pierre Klossowski, dans la lettre qu'il lui écrit le jeudi 18 novembre 1920 (Lettres françaises à Merline, édition du Seuil, p.38):

"il faut revenir à l'endroit où l'Ange vous a découvert quand il vous apportait le premier message engageant, il faut retrouver, derrière les ronces, cette couche où alors on était endormi, cette fois on n'y dormira pas; on va prier et gémir - n'importe; si l'Ange daigne venir ce sera parce que vous l'avez convaincu non avec des pleurs mais par votre humble décision de commencer toujours..."

A cimetière de Rarogne lors des obsèqyes de Rilke dans la petite église le 2 janvier 1927 fut célébrée la liturgie des défunts telle qu'il l'avait dictée peu avant sa mort.

On peut y voir aujourd'hui une pierre tombale qui se dresse sur le tumulus en provenance du monastère de Longchamp (fondé par Isabelle la sœur de Saint Louis, morte en février 1269), érigée là sur le souhait de Rilke lui-même par des amis fervents et obligeants.

Personnellement, y faisant un jour pèlerinage, je priais en me remémorant le vers de la "Jeune Parque": "Grands Dieux, je perds en vus mes pas déconcertés" et liant la fameuse épitaphe dictée par Rilke: " Rose, ô pure contradiction volupté de n'être le sommeil de personne sous tant de paupières".

La dernière lettre de Rilke est écrite le mercredi 22 décembre 1926 (il devait rendre l'âme le 29 décembre) à Madame Eloui Bey * elle se termine sur l'évocation par Rilke de " la grâce de l'invisible". L'invisible est bien son dernier mot.

*Lettre publiée par Edmond Jaloux dans le volume Rilke et la France (Plon, 1942) p. 57-58.

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