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Tableau  16


Des européens du Moyen-Âge

Michelet a dit de la France qu'elle est une personne; on peut tout aussi bien l'affirmer de l'Europe, nymphe à laquelle le continent européen doit son nom - Grande et belle personne.
Pour nous, européens d'aujourd'hui réfléchissant à la prise de conscience d'une identité européenne, nous pensons d'abord aux philosophes des Lumières.
Auparavant, il y a eut des artisans de la République des Lettres, dont le provençal Peirese fut le prince. Génération héritière de l'effort fourni par les humanistes italiens, disciples de Pétrarque, pour doter Europe d'un visage virgilien. Pourquoi virgilien? parce que reflet d'une âme la plus noble qui soit. Et c'est à ce trait que l'on reconnaît toujours le véritable esprit européen, hérité de Virgile, "père de l'occident", comme l'a si bien montré Theodor Haecker  (Desclée de Brouwer, Les îles, 1935).

Dans cette construction  lente et laborieuse à travers les siècles, je voudrais rappeler ici les efforts d'un groupe social du premier Moyen-Âge, moines-messagers porteurs de leur Rouleau des mMoine juché sur son haridelleorts de leur monastère, allant de la Catalogne jusqu'aux Flandres. Le premier de ces rouleaux est de 1008.
L'initiative est donc catalane, Elle part d'un monastère situé sur les territoires du diocèse de Vic . Tous ces documents infiniment précieux pour l'historien forment un corpus fort bien présenté par Jean Claude Kahn sous le titre Moines Messagers, ouvrage paru chez Lattès en 1987.

Parmi ces dossiers tous pleins d'intérêt, il en est un cependant qui émerge du lot par la qualité de l'itinéraire proposé. Dans une belle étude parue dans la revue Annales du Midi, tome 76, année 1964 - n° 68-69, p. 305-314.  due à Jacques Stennton et intitulée: "Routes et courants de culture, Le rouleau mortuaire de Guiffred, comte de Cerdagne, moine de Saint Martin du Canigou (1049)".
Partir avec ce moine juché sur son haridelle, pour un périple d'une durée d'un peu plus d'un an, et faire au fur et à mesure de ses étapes comme lui-même, la découverte d'institutions diverses de type monastique et de mentalités d'une riche bio-diversité.
C'est au cours de cette longue et passionnante expérience que le lecteur d'aujourd'hui découvre, à travers les horizons mentaux peu à peu révélés , au terme du voyage, lorsqu'il abordera le Brabant avec Liège et Maestricht qui marquera le point final de l'odyssée et où sonnera le temps du retour, que s'est formée, tout spécialement dans cet espace, aux antipodes de la Catalogne-Cerdagne, une conviction qui s'est imposée d'appartenir à un même tissu couvrant cet espace géographique et spirituel commun, qu'on peut appeler Europe.

Le même réflexe de découverte intérieure que réalise le chroniqueur clunisien, Raoul de Glabre, quel visionnaire, il voit tout cet ensemble de pays  se couvrir d'un manteau  de blanches églises, que d'autres baptiseront la chrétienté.

Dans le volume jubilaire de la revue savante Le Moyen Âge (1888-1969) on pourra revisiter la pertinente étude du professeur de Genève Paul Rousset: " La notion de chrétienté au XI° -XII° siècles" (p191-203). Cette chrétienté européenne à laquelle Dante, en  1300 dédiera un beau Requiem - La Divine Comédie_ pour une civilisation engloutie.