Paul Amargier

Billet septembre 2011

 

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septembre 2011

Ego - MMXI

Ayant franchi depuis le dernier billet en date du 15 juin, une ligne jaune, celle des 87 ans, je vais m'employer, durant les mois qui viennent, à aller de l'avant les yeux fixés sur l'horizon des 88, sans garantie aucune d'y atteindre.

Menant depuis six ans une existence quasi posthume de reclus, atteint d'une certaine longévité. Il ne s'agit pas là pour moi de démission devant le réel; au contraire, de faire face à une situation bien concrête, héritée des circonstances: l'âge joint au handicap de santé.

Me restant les facultés de l'esprit, mémoire en particulier, toujours vives. A charge, pour moi, de vivre  le drame de toute existence pleinement humaine, une âme en quête de son salut. Ce salut que depuis l'enfance (8 ans) j'ai confié au Seigneur -Scio enim cui crediti (Paul à Timothée II,1.12)- dans un pacte d'amitié conclu une fois pour toutes -usque ad mortem . Cet enfant que je fus et qui aujourd'hui est pour moi aussi comme un aïeul. Au fure et à mesure que j'avance dans la rédaction de ce billet, je réalise que mon propos rend un son quasi testamentaire. Peut-il en être autrement?

C'est avec une certaine allégresse que j'en assume le risque, tournant le dos à tout angélisme hypocrite.

Ma vie tout au long des huit décennies écoulées n' a pas été placée sous le signe de la crainte et du tremblement, bien plutôt sous celui de l'Action de Grâces.

Ce n'est donc pas aujourd'hui que je vais changer mon fusil d'épaule. Il s'agit simplement de rectifier l'angle de tir en fonction de la conjoncture, après tout pas plus désagréable que ça, celle du vieillissement, vécu  hic et nunc dans l'espérance de la rédemption finale. 

Au poète, souvent j'ai emprunté sa Prière pour aller au Paradis des ânes:

Lorsqu'il faudra aller ver vous, ô mon Dieu, faites
que ce soit par un jour où la campagne en fête
poudroiera. Je désire, ainsi que je fis ici-bas,
choisir un chemin pour aller, comme il me plaira,
au Paradis, où sont en plein jour les étoiles.
Je prendrai mon bâton et sur la grande route
j'irai, et je dirai aux ânes, mes amis:
Je suis Francis Jammes et je vais au Paradis,Prière pour aller au Pardis des ânes
car il n'y a pas d'enfer au pays du Bon-Dieu.
Je leur dirai:" Venez, doux amis du ciel bleu,
pauvres bêtes chéries qui, d'un brusque mouvement d'oreille,
chassez les mouches plates, les coups et les abeilles..."

Que je Vous apparaisse au milieu de ces bêtes
que j'aime tant parcequ'elles baissent la tête
doucement, et s'arrêtent en joignant leurs petits pieds
d'une façon bien douce et qui vous fait pitié.
J'arriverai suivi de leurs milliers d'oreilles,
suivi de ceux qui portèrent au flanc des corbeilles,
de ceux traînant des voitures de saltimbanques
ou des voitures de plumeaux et de fer-blanc,
de ceux qui ont au dos des bidons bossués,
des ânesses pleines comme des outres, au pas cassés,
de ceux à qui l'on met de petits pantalons
à cause des plaies bleues et suintantes que font
les mouches entêtées qui s'y groupent en ronds.
Mon Dieu, faites qu'avec ces ânes je Vous vienne.
Faites que, dans la paix, des anges nous conduisent
vers des ruisseau touffus où tremblent des cerises
lisses comme la chair qui rit des jeunes filles,
et faites que, penché dans ce séjour des âmes,
sur vos divines eaux, je sois pareil aux ânes
qui mireront leur humble et douce pauvreté
à la limpidité de l'amour éternel.

                                            Francis Jammes.

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