octobre 2007
De l'écriture
"Ecrire c'est faire un bond hors
du rang des meurtriers" Kafka

"Apprendre à écrire", telle était
la formule sur laquelle je terminais le billet du mois dernier, ce qui
aujourd'hui m'invite à rebondir, me tournant pour cela vers quelqu'un
auquel, en 1984, je consacrais un essai biographique : Pétrarque
(1304-1374).
Ce dernier en effet, plus que
quiconque, aura été, tout au long de son existence, un héros de
l'écriture, mieux que vivre, il écrit; ainsi qu'il nous le confie
lui-même: lorsqu'il mange, il écrit; lorsqu'on le rase, il écrit; à
cheval, il a trouvé le moyen d'utiliser l'écritoire; étendu à l'ombre d'un
arbre, il écrit.
Il faut lire la lettre 12 du livre
XXI des "Familières", où il donna le détail de son quotidien d'écriture.
Relire aussi les pages de sa correspondance où est célébré le calame
, outil qui apparaît comme le symbole de son moyen d'expression favori.
C'est le CALAMUS lui même qui se dit fatigué, vieillissant, ou au
contraire impatient de revenir à la tâche.
C'est dans cet acte créateur -
écrire- que Pétrarque trouve d'infinies douceurs (dulcedo in scribendo).Le jour même de ses 70 ans -18
juillet 1374- il s'écroulera, vaincu par la fatigue, sur le manuscrit de la
"vie de César" qu'il était en train de calligraphier. Relique émouvante,
conservée à la B.N.Paris -latin n°5784

Tous les médiévistes italiens
connaissent une pièce intitulée l'INDOVINELLO VERONESE écrit à dater de la
fin du VIII° siècle ou début neuvième. Là, sous forme de parabole, se
trouve illustrée la fonction d'écriture:
Boves se parba
et albo versatorio tenaba.
Alta pratalia araba
et negro semen seminaba
où il s'agit des deux yeux du "scriptor" ( les
boeufs) qui contrôlent le soc de l'araire, à savoir le calame, entamant
le sol à labourer, autrement dit le vélin que sa blancheur défend. Enfin, c'est la semence que le scripteur répend: les caractères d'encre qui
vont ensemencer le vierge parchemin.
Ce texte fondateur, aux confins des langues latine
et italienne, fixe au seuil de notre civilisation européenne, la
noblesse d'un geste, humain par excellence, celui de l'acte d'écrire.
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