novembre 2009
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novembre 2009 : Hommage (billet n°30)
Alors que
l'exposition de 1889 bat son plein, que l'on vient d'inaugurer la Tour
Eiffel dans un climat de joyeuse effervescence, se meurt chez les frères
de St. Jean de Dieu, rue Oudinot (7°), un homme à peine entré dans sa
cinquantième année, Villiers de L'Isle-Adam. Le 21 août, à St François
Xavier, a lieu la cérémonie des obsèques. J.K. Huysmans et Stéphane
Mallarmé conduisent le deuil, entourant le jeune fils, Victor, qui suivait
le corbillard, une rose à la main. Le cortège ira à pieds, sous la pluie, jusqu'au cimetière des Batignolles; aujourd'hui la dépouille du poète
repose au Père-Lachaise.
Mallarmé vient de
perdre celui qu'il appelait son meilleur ami; dès le mois de février 1890,
il
entreprendra dans les principales villes de Belgique (Bruxelles, Gand,
Bruges, Anvers) une tournée de conférences dédiées à la mémoire du
disparu.
Cet hommage,
repris plus tard à Paris, offre un texte d'une souveraine beauté, qui
s'ouvre sur ces mots:
"un homme au rêve
habituel, vient ici parler d'un autre, qui est mort. Mesdames, Messieurs
(le causeur s'assied) sait-on ce que c'est que écrire? Une ancienne et très
vague mais jalouse pratique, dont gît le sens au mystère du coeur. Qui
l'accomplit, intégralement, se retranche."
Suivent de longs
et admirables développements en marge de la vie et de l'oeuvre de
Villiers, à propos duquel Mallarmé eût pu reprendre l'épithète appliqué
par lui à Rimbaud: le passant considérable!
Villiers tout
comme Mallarmé, Rimbaud ou Verlaine appartiennent à la race des égarés du
grand Rêve pour reprendre l'expression de Bloy, qui soit ignorés,
soit persécutés par leurs semblables, traversent, errants, des déserts, à la recherche de l'or du Temps. Telle fut leur condition.
Nous savons qu'il
y a des passés qui ne passent pas, du moins faudrait-il que ces passants
considérables, eux, continuent, parmi nous, à passer...
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