Paul Amargier

Billets:février 2008

 

accueil

Index billets d'humeur

Présentation

Avec Paul Valery : rencontres et propos

Jean Paulhan Qui êtes-vous?

Bibliographie

En librairie

Liens et contact

 

 

février 2008

La Provence Mystique

Il y a un siècle, le 4 mars 1908, sortait des presses de la maison éditrice Plon-Nourrit et Cie. un ouvrage intitulé La Provence mystique, dû à la plume de l'abbé Henri Brémond. C'est ce centenaire qu'il nous faut aujourd'hui marquer du petit caillou blanc dont parle l'Apocalypse.

Bien que d'un fort volume (394 pages) cet ouvrage, tel l'hirondelle annonciatrice du printemps, préludait à ce qui devait, un jour, se révéler comme la grande oeuvre du signataire: L'histoire littéraire du sentiment religieux, récemment réédité chez Millon à Grenoble.

Il est d'un grand bienfait de relire à un siècle de distance les pages de La Provence Mystique, pour se convaincre qu'elles ont défié le temps et s'imposent à l'attention du lecteur conquis, comme un pur chef d'oeuvre. Oui, l'abbé Brémond mérite bien le trophée promis: "vincenti dabo calculum candidum " (Apocalypse, II-17).

Prêtre depuis le 8 septembre 1892, il vient d'entrer en 1908, dans la plénitude de la quarantaine de son âge et se trouve déjà à la tête d'une bibliographie fournie: trois titre dédiés à l'Inquiétude religieuse, une biographie de  Bx. Thomas More, le fameux essai sur Newman, plus d'autres recueils (L'enfant et la vie, Le charme d'Athènes).

Après ce périple essentiellement anglais, le quadragénaire aixois dut éprouver le besoin d'un retour aux sources, de retrouver le climat de ses origines, ce qui nous vaut la présentation magistrale des portraits croisés du Père Antoine Yvan et de la Mère Madeleine Martin.

C'est dès les premières pages de l'oeuvre que figure le morceau inoubliable où l'auteur, sans rien renier du tambourin et des cigales, s'applique à célébrer le génie d'une Provence selon son coeur, dont il voudrait que dans ses armes vienne figurer, en bonne place, le grave feuillage de l'olivier multiséculaire.

Austère et recueillie, écrit-il, la vrai Provence offre aux regards le ferme dessin de ses collines, "le vent glacé qui la tourmente et ranime sans trêve, ses champs rouges et brûlés qu'il faut constamment disputer à la pierre vive, ne lui prêchent ni l'étourderie ni la volupté. Obstinément fermée à tout ce qui lui viendrait de l'autre rive du Rhône, elle s'assimile sans résistance ses pesants voisins des Alpes qu'un instinct séculaire attire chez elle et dont la rudesse se marie volontiers à la gravité un peu sèche de nos ancêtres romains. De solides puissances de réflexion et de travail, une sobriété naturelle, une clairvoyance qui reste toujours éveillée aux heures même des pires folies, d'autres forces encore  paralysent souvent chez elle et toujours atténuent le ferment qui la porte à la frivolité et au caprice. L'originalité de la Provence ne consiste pas, comme on le croit souvent, dans l'excès de ses qualités brillantes, mais plutôt dans l'équilibre qu'elle parvient d'ordinaire à maintenir entre ses tendances contraires ...

Sa philosophie naturelle n'est pas gaie et sa religion naturelle n'a pas supprimé la face terrible de l'Évangile. Elle irait au jansénisme, si elle ne réprouvait pas invinciblement toutes les outrances dogmatiques, et si elle pouvait s'accommoder d'un culte où l'imagination n'a plus de place."

Lire ou relire la Provence Mystique de l'abbé Henri Brémond doit constituer, pour nous aussi, comme l'équivalent d'un pèlerinage aux sources.

             

 

Retour à liste des billets d'humeur