Avec Paul Valery : rencontres et propos
decembre 2011
Famine
Au Moyen Age des crises frumentaires conduisirent certaines populations européennes jusqu'au cannibalisme (faits attestés en 1105): poches de détresse voisinant avec des "îlots de goinfrerie" pour reprendre un mot de Georges Duby.
Cependant la situation paraît aux XII° et XIII° siècles, pour l'ensemble de l'Europe, avoir été relativement satisfaisante. Mais, dès le début du XIV° siècle, les signes se multiplient, inquiétants. Par suite d'une dégradation climatique et d'un poids démographique devenu difficilement supportable, la conjoncture vira vite au tragique.
Dès 1315-17, une vague gigantesque de famine dévasta l'Europe du Nord: la vigne, par exemple, quitta l'Angleterre pour à jamais, contraignant les britanniques à se tourner vers l'Aquitaine où ils vinrent désormais faire leurs vendanges.
Le mouvement de dégradation fît rapidement tache d'huile pour culminer, à la veille de la Grande Peste de 1348, entraînant son cortège d'un incroyable mortalité massive.
Aujourd'hui nous nous trouvons placés face aux mêmes données d'un identique problème, à savoir:
1. le fait que la population du globe vienne d'atteindre 7 milliards.
2. le phénomène du dérèglement climatique généralisé.
3. les désordres dans le domaine des comestibles de base, dûs aux fluctuations agraires diverses, jointes aux spéculations éhontées...
La grande crise mondiale serait donc à venir, si elle n'était déjà là: il suffit d'évoquer la catastrophe humaine vécue dans la Corne de l'Afrique somalienne, avec des milliers d'enfants condamnés à mourir de faim jour après jour.
Il faudrait disent les techniciens, que la production agricole puisse doubler d'ici à la fin du siècle. Les générations à venir parviendront-elles à relever le défi, elles qui auront à régler d'abord la question de l'eau, dont la pénurie est sur le point de déclencher ici et là, (autour du Nil du Tigre et de l'Euphrate, du Jourdain , du Gange) d'âpres conflits?
Le XIV a été le siècle de la peste, le XXI° sera celui de la faim, et paradoxe, celui de l'obésité.